TOUS LES JARDINS SONT BEAUX !
Tous les jardins sont beaux, Versailles, Ryoan-ji, Kalmthout…
Mais ils n’atteignent le sublime que lorsqu’ils parlent à l’imaginaire. Ils prennent alors une dimension infinie. Pour visiter son jardin, Louis XIV avait écrit un guide très détaillé sur la manière de s’y promener au fil d’un parcours construit très fouillé. Well… French you know…
Certains pourraient rétorquer que si vous visitez notre jardin, vous suivez également un chemin imposé puisque, du moins si vous êtes civilisé, vous comprenez qu’il ne faut pas marcher sur les plantes. Ce sont par contre vos yeux qui sont amenés à errer où bon vous semble, découvrant ici une percée vers les champs, là un couloir d’harmonies… à prendre ou à laisser. Un chemin didactique devient rapidement ennuyeux, tout comme l’anarchie ne mène à rien car elle détruit l’intellect.
Même la nature sauvage est organisée d’une certaine manière. Une étude a montré que les poussins se sentaient plus attachés encore à leur mère si l’environnement était construit de nombreux éléments autour d’eux. Ce sont les jardins qui fourmillent de détails, évidents ou non, qui nous relient à eux. Ils racontent une histoire que seul le visiteur peut construire par ce qu’il voit et ressent de manière instinctive ou éduquée, parfois les deux.
Bien sûr il y a la créateur. Quel est donc le meilleur créateur de jardin ? Le nom n’a ici aucune importance. Ce sont ses qualités qui importent.Je reste persuadé que le jardin où l’on vient et revient n’a pu être réalisé que par une personne à l’esprit ouvert sur le monde et qui s’en inspire. Prenons à titre d’exemple deux espaces très différents au Japon, l’un ancien et l’autre moderne.
Le Saihô-ji, le célèbre jardin des mousses près de Kyoto, attire une foule immense. Il s’agit d’un jardin de promenade créé au 14ème siècle par le moine Musô Kokushi. La plupart des gens ignore toutefois que les célèbres érables aux couleurs chatoyantes et les nombreuses mousses qui le colonisent sont… le pur fruit du hasard, suite à l’abandon du temple après la guerre civile. Que reste-t-il du parcours initial ? Sans doute le sentier de promenade qui entoure le jardin et qui permet des vues changeantes depuis une série de points fixes, la barque qui est une référence aux temps anciens où l’on découvrait le jardin sur l’eau et, ce que peu savent, l’un des tous premiers prototypes de jardin sec caché sur la colline. A part cela, la nature a repris ses droits. Des semis d’érables se sont multipliés, permettant avec le temps aux mousses diverses de s’installer, mais tout cela orchestré par une armada de jardiniers qui débarrassent le sol des débris et des indésirables. Vous y comprenez quelque chose ? CONSTRUIT et IMPROVISÉ
Sur l’île de Teshima, Rei Nato et Ryue Nishizawa ont imaginé une gigantesque coque de béton blanc avec une grande perforation dans le toit. L’ensemble figure une goutte d’eau au moment de son impact sur le sol. Simple et vide. Un coup d’oeil et on s’en va ? Non car le regard est soudain attiré, non plus vers le ciel qui se dégage dans l’ouverture béante, mais vers le sol où se déroule un ballet étrange. Sur la surface hydrofuge apparaissent çà et là une goutte d’eau qui sort d’une minuscule orifice. La goutte se met à errer, rencontre une autre goutte qui devient de manière aléatoire une flaque qui en rejoint une autre. Et elledevient immense avant de disparaître complètement comme par magie. C’est rien et pourtant ce spectacle changeant vous attire comme un aimant pendant des heures… juste pour quelques gouttes d’eau.
SIMPLE ET CHANGEANT
C’est cela qui doit se passer dans un jardin : l’émotion qui vous arrête et vous fait dire que ‘quelque chose se passe ici’ mais aussi à l’opposé un sens de l’ordre d’une efficacité redoutable car il structure. Et, que vous le vouliez ou non, tout autour de nous, de la lointaine galaxie à la vie quotidienne du ver de terre, tout est une affaire de structure organisée. Le nier au jardin engendre l’anarchie.
Le pire créateur est celui qui impose un sens, une direction, une manière qui rétrécit l’ouverture d’esprit à son propre champ de vision. Le jardin doit être PERMÉABLE.
Le sentier est le meilleur exemple que je puisse donner. Le jardin chez nous en est truffé et vous seriez étonné de compter la surface qui lui est allouée par rapport aux parterres. Sauf que, d’un point fixe ou en se baladant lentement, on ne peut en voir le bout. Le sentier est là pour suggérer et disparait quand vous le souhaitez. Le sentier est peut-être la chose la plus importante du jardin…
“Quelque chose se passe ici”. Quand un visiteur – ou même le créateur du jardin – dit ou ressent celà, c’est que le jardin est en harmonie.
Toujours aussi beau votre jardin.
Quant aux jardins japonais je les aime sauf la bulle car comme tu te souviens peut être Francis, je n’aime pas les jardins modernes.
C’est très bien ce blog plus parlant car tu n’es jamais à court de descriptions et j’aime bien.
Oui c’est la raison pour laquelle j’ai quitté facebook trop superficiel.
Je vais y penser, mais comme mon jardin est agencé, il est difficile de créer des sentiers…
Bien la vérité: “Tous les jardins sont beaux”.
Quand on sait le temps et le coeur que les jardiniers ont mis pour agencer le jardin.
Un tout grand bravo pour ces articles magnifiques.
Merci !
Tout jardin, quel qu’il soit est beau, car il reflète l’âme du jardinier et tout le cœur qu’il y a mis pour le créer, le modeler.
Quant au sentier, je suis d’accord, il est essentiel, et permet la découverte, petit à petit, et quelque fois de se perdre et se laisser surprendre.
Les jardins japonais, j’adore, j’aimerais beaucoup avoir un endroit japonisant dans mon jardin ….
Dans votre “royaume” Francis et Guy, mon coup de cœur, c’est votre jardin japonais.
C’est pour cela que je préfère le modèle anglais où le sentier s’incurve, se tord, se cache pour faire travailler notre curiosité, notre imagination, notre impatience de découvrir du nouveau et de l’inattendu. Dans le jardin à la Française le sentier rectiligne, visible d’un bout à l’autre, structure oui mais limite aussi. Le cerveau droit est au repos mais comme c’est…barbant !
Bonjour,
c’est un réel plaisir et bonheur que de découvrir ces magnifiques photos.
Un grand merci de nous permettre de nous échapper et ainsi de découvrir au fil des jours, votre Eden et autres lieux magnifiques.
Vos articles sont vraiment agréables à lire et instructifs. C’était en effet une bonne idée de quitter Fb pour se concentrer plus sur un blog 😉
Merci. Oui je pense aussi qu’il fallait changer de formule. Facebook est immédiat mais réducteur. Je consomme et je jette aussitôt. J’espère avoir trouvé cette voie du milieu entre l’instantané vide et le texte interminable qui n’intéresse que les spécialistes. Ma profession m’a amené à côtoyer de près les religions asiatiques et il est un terme qui m’a toujours interpellé : dans le jaïnisme on nomme les tirthankara, les ‘passeurs de gué’. C’est une formule qui me convient bien. Juste avoir le ton et l’originalité pour suggérer et puis l’autre fait le reste, à prendre ou à laisser. Tout est possible pour qui a l’oeil ouvert et la sensibilité pour le diffuser. La ‘discipline’ n’est pas si légère qu’il y paraît car cela demande en amont de se farcir des tonnes de textes pour les rendre ensuite limpides et digestes.
“passeurs de gué”… C’est effectivement une belle expression. De mon côté, je me retrouve toujours le “cul entre deux chaises” (y aurait-il une phrase asiatique plus poétique pour dire cela ?) : soit faire long et ennuyeux en effet, soit toujours aussi long mais plus léger… et finalement totalement vide… Je n’ai pas encore réussi à trouver la voie du milieu. Ça viendra sans doute avec le temps. 🙂
Lao Tseu a dit : si tu as le cul entre deux chaises, achètes-toi un banc.