REGARDEZ, SENTEZ, CAR TOUT EST ÉPHÉMÈRE…
Merci pour les très nombreux messages dans l’article précédent ! Je vois qu’il y a du monde derrière le rideau.
La demi-lune montait au dessus du pavillon japonais hier soir. C’est un peu l’image ‘ tout va bien, il ne peut rien nous arriver’.

Nous devions partir bientôt au Japon pour la floraison des glycines mais c’est évidemment reporté à plus tard. Au lieu des pluies d’améthystes vous aurez droit au feu de l’automne dans des jardins rarement visités. Cà m’y fait penser en regardant ce matin s’ouvrir la toute première fleur du camélia qu’on avait ramené l’an dernier de Daikonjima : Camellia japonica ‘Sado Benifukurin’. Très spécial avec sa grande fleur tubulaire aux pétales roses injectés de filaments rouges et des étamines proéminentes. C’est fou ce qu’un camélia peut fleurir très jeune. Cette plante a 30 centimètres de haut et déjà deux boutons floraux ! Si vous avez des problèmes à faire fleurir le vôtre, n’oubliez pas que c’est une plante qui déteste la sécheresse estivale et hypothèque sa floraison suivante en cas de coup dur pour conserver son énergie à se développer. Il pleut beaucoup au Japon en août et septembre ! Pas un pet de calcaire non plus car le feuillage risque la chlorose, jaunit et tombe. Avant de connaître le Japon, je n’aimais pas particulièrement les camélias. La floraison risque d’être emportée par le gel et ne dure pas longtemps, ensuite une masse persistante qui au mieux vous fait penser au thé. C’est pourtant justement ce qui fait son charme. L’éphémère fleur vous pousse à sortir et l’admirer plus encore car vous savez que çà ne durera pas. A quoi bon sortir tous les jours son nez de la maison pour voir une ennuyeuse permanence, attendue et répétitive ?

Les samouraïs utilisaient son huile (Camellia oleifera) comme brillantine parfumée, ce qui permet à l’ennemi de ne pas subir de mauvaise odeur s’il venait à couper votre tête. Charmant. N’oubliez jamais de vous parfumer. Au moins en cas de coup dur – un smartphone qui tombe dans l’eau du bain ou la marche de l’échelle qui craque pendant que vous tronçonnez le thuya – vous partirez dans de bonnes odeurs. Très important, surtout pour celui ou celle qui vous trouve. Pensez-y, ne soyez pas égoïste. De plus, je me dis que depuis la haute antiquité on brûle des milliards de bâtons d’encens pour implorer le vide intersidéral au dessus de notre tête. Autant que la vôtre embaume jusqu’au dernier moment et serve vraiment à quelqu’un.
Tiens, çà me fait penser encore au Japon…. au grand poète Matsuo Bashô et ses haïkus percutants :
Rien ne dit
Dans le chant de la cigale
Qu’elle est près de sa fin
Et aussi au parfum ‘Alba’ de Fueguia 1833. Parfums venus d’Argentine, le nom est un hommage aux explorations scientifiques et la rencontre entre Charles Darwin, le navigateur Robert FitzRoy et les habitants de la Terre de Feu en Patagonie. N’entrent dans leur composition que des ingrédients s’inspirant de la forêt : au crépuscule une âme domine dans la forêt, terreuse et musquée. Ingrédients : pin d’Ecosse, myrte des bois et bruyère. La boîte qui l’emballe est faite du Cedrela odorata argentin.

Les nuits s’annoncent fraîches et je ne sais plus quoi faire pour protéger les jeunes pousses un peu trop hardies qui pensent que l’hiver est derrière nous. Comme je ne veux plus utiliser de plastique j’ai donc décidé de me tourner vers le papier toilette. C’est biodégradable, léger et facile à utiliser et surtout à mettre en place selon la forme et la hauteur des végétaux. Hé oui, vous avez tout compris : la pénurie dans les magasins… c’est moi ! J’ai même vu deux dames en venir aux mains car l’une voulait absolument me donner le dernier paquet et l’autre le garder pour elle. J’ai déployé ma longue chevelure Jésus-Christ superstar, un hallo brillant est descendu dans le magasin et j’ai dit : ‘mesdames, en vérité je vous le dis, l’avenir de notre monde est entre vos mains (Scottex triple épaisseur). Partagez ce paquet et je les multiplierai’. Elles en étaient toutes émues. Puis, j’ai tout de même accepté le pq. Je ne suis pas Dieu le père, hein. Juste son fils.
J’ai d’ailleurs failli en appeler à votre bon coeur car j’ai besoin de … beaucoup de rouleaux mais j’ai trouvé une autre solution. Les rayons des magasins sont vides et j’ai donc demandé à mon bourgmestre de signer à la hâte un arrêté communal qui oblige chaque habitant à me donner un rouleau. Chaque don s’accompagne d’un CD vidéo tourné en Inde qui explique comment faire en l’absence de papier toilette, mais cela implique de ne plus se servir de sa main gauche pour autre chose, ce qui d’ailleurs divisera en deux la quantité de gel hydroalcooliiiique que vous consommez. Vous vous rendez compte ? Ce mot rime avec paniiiiiique et Patriiiiiiiick ! Jamais fait le rapprochement auparavant.
Je vous laisse en compagnie d’un autre ‘Alba’ : Betula ermanii ‘Polar Bear’ dont l’intérêt ne se limite pas au tronc blanc. Une pluie de chatons tombe d’un ciel bleu immaculé.
