UN JOUR, UNE OEUVRE : CHEF D’OEUVRE CORÉEN
La créativité artistique fleurit toujours lorsque l’art est supporté par un état florissant. Elle emprunte à l’étranger de nouvelles formes et techniques qu’elle ne connaissait pas, puis avec le temps les propres aspirations font surface, aidées en cela par les spécificités particulières à chaque culture.
Je vous emmène aujourd’hui en Corée au 14ème siècle sous la dynastie Koryô, une période dynamique de fréquents contacts avec la Chine et le Japon, aristocrate et raffinée comme le montre cette peinture, sans doute la plus célèbre représentation du Bodhisattva Avalokitesvara assis sur le Mont paradisiaque Potalaka, regardant la lune. Alliance de virtuosité artistique et expression de la compassion. Il faut dire que la période est bénie pour le bouddhisme. Jamais aucun royaume à l’époque n’avait soutenu l’art bouddhique à ce point : architecture, peinture, sculpture, enluminure, métallurgie et où la caractéristique récurrente est l’équilibre.
Cet immense rouleau peint de près de 5 mètres de long a été réalisé par cinq peintres en 1310 à la demande de la reine Sukbi, probablement pour se protéger spirituellement de l’invasion mongole.
La soie était spécialement tissée pour ces peintures de manière à ce que les fils de trame et de chaîne ne soient pas trop serrés et donnent un effet translucide de même qu’une parfaite répartition des pigments. Le fond sombre n’est pas à attribuer exclusivement à l’âge de l’œuvre. Certains pensent que la soie était au préalable teinte de la couleur du thé par un mélange de pigment jaune et pourpre, puis encollée d’une solution d’alun et de colle animale. Un poncif était appliqué à l’arrière de manière à dessiner les contours à l’encre noire ou au cinabre, puis application des couleurs à base notamment de malachite, de cinabre et de blanc de plomb. Traditionnellement on peignait d’abord l’arrière de la soie pour bien fixer les couleurs qui seraient appliqués ensuite à l’avant, ce qui augmente leur intensité et leur volume.
Le thème est emprunté à la Chine qui transite partout en Extrême-Orient par les Routes de la Soie. Voici d’ailleurs le thème chinois trois siècles plus tôt sous la forme d’une bannière votive peinte sur soie.
Avalokistesvara prend là-bas le nom de Guanyin et se féminise. Ses aspects sont infinis mais ‘Guanyin regardant dans l’eau le reflet de la lune’ est une image qui séduit la sensibilité chinoise pour le paysage, pour le thème de la méditation dans la nature qui va permettre de prendre conscience de la place de l’homme au sein de l’univers. Guanyin, selon la tradition indienne, habite la montagne Potalaka, qui est représentée ici sous forme de trône orné de petits motifs décoratifs évoquant la nature du rocher aussi précieux que le diamant, l’un des pieds de Guanyin prenant appui sur une fleur de lotus. La nature est omniprésente : lotus dans l’eau, bambous et autres végétaux.
Le reflet de la lune est ici très subtil : il faut imaginer ce disque comme l’auréole divine mais aussi l’astre lunaire qui s’y confond. Ce thème permettra d’expliquer l’insubstantialité du monde. Le reflet n’est qu’une image de la lune mais la lune n’est pas dans l’eau. Et de même, la conscience est limitée par le monde des sens. Ce que nous voyons n’est pas la réalité des choses et le Bouddha enseigne à aller voir la réalité supérieure. Les inscriptions sur la gauche révèlent les conditions de la donation de cette bannière dont voici l’image entière, elle aussi colossale mais qu’il serait trop long de de décortiquer ici. Ces grandes peintures étaient achetées par la famille du défunt dans l’atelier et ensuite les cartouches complétés selon leurs désirs. On peut ainsi sans problème dater l’oeuvre de l’an 934 et savoir qui l’a commanditée, soulevant ainsi un pan de la vie quotidienne chinoise il y a mille ans. Ici ‘le bon fils Ma Quianjin commande à un illustrateur habile le portrait de sa défunte mère (ici avec sa servante et habillée de blanc, fardée à la chinoise d’un masque blanc rehaussée de joues rosies) et deux images de Guanyin…’
« Ce que nous voyons n’est pas la réalité des choses » Cependant cette chronique, réelle ou pas, est un petit bijou.
La découverte de la Corée du Sud a été, et est toujours, un sujet qui me passionne.
Merci.
un pays fascinant et ‘oublié’ face aux deux géants voisins.
Voici 1 peinture qui me parle. Elle me rappelle le magnifique voyage dans ces belles contrées.
Amitiés.
Vdb
ah oui superbe souvenir.
Même si je laisse rarement un commentaire, croyez bien que je me réjouis de découvrir vos chroniques variées, superbement illustrées et passionnantes, si si !
merci pour votre commentaire !
Quel raffinement !
Merci Francis
Fabienne
Superbe article ! A quand un voyage programmé en Corée ?
Dans trois ans, moitié Corée moitié Kyushu sud Japon. Les deux ne sont distants que d’une heure en ferry !
Une destination de plus à découvrir, pays qui jusqu’à pas si longtemps m’étais totalement étranger. Une petite verrue sur la Chine regardant la mer du Japon.
De plus la langue est très agréable à entendre.
Un jour….
On peut s’inscrire ????
On a bien le temps !
Insomnie… Je vais regarder le divin Bodhisattva coréen et je repars apaisée.
Arlette MP
Grâce à tes explications très fouillées, merci de m’ouvrir le coeur et l’esprit sur un monde, des oeuvres que je ne connaissais pas . Bonne journée à tous 2,Brigitte
Avec l’art asiatique on reste parfois un ‘en dehors’. Mais quelques clefs suffisent pour que ce devienne universel.
QUE C’EST BEAU ET QUELLE CULTURE!
MERCI FRANCIS!