Un peu de préhistoire au coeur des plantes

UN PEU DE PRÉHISTOIRE AU COEUR DES PLANTES

En Afrique du Sud, entre Capetown et la Namibie, non loin de Clanwilliam s’étend la chaîne du Cedarberg habitée depuis des milliers d’années. D’étranges formations rocheuses en font la réputation mais aussi des dizaines d’abris et de grottes aux témoignages stupéfiants qui remontent à la préhistoire. Je vous emmène en randonnée pédestre qui permet de remonter le temps de plusieurs dizaines de milliers d’années et de botaniser en cours de route car les gens du coin ont eu la bonne idée de créer un vaste ‘jeu de piste’ dans la montagne à la découverte des fleurs et… de nos ancêtres.

La route aux heures de pointe. Elle est où la petite sirène verte ? Folle envie de muffin et de faire pipi.

Autrefois dans cette région habitait le peuple San, des Bushmen qui ont peint quelques 2.500 sites dans le Cedarberg. 

Les spécialistes ne se sont pas mis d’accord sur une datation précise  mais la région semble déjà habitée il y a 150.000 ans. On pense que les San sont les descendants directs des premiers hommes qui ont peuplé l’Afrique du Sud. Certains pensent même que c’est ici qu’il faut chercher l’origine de l’Homo sapiens, que ces San sont restés en Afrique du Sud alors que leurs ‘cousins’ ont colonisé le reste de la planète. Une vie faite de chasse et de cueillette comme le suggèrent les peintures. Ce n’est que vers 2.000 BC que des tribus pastorales comme les Khoi Khoi sont entrées dans le pays, refoulant les San dans des zones montagneuses. Ils ont aujourd’hui complètement disparu, laissant toutefois leur trace génétique dans les populations actuelles. Les sujets décrits, la manière de les mettre en scène prouvent qu’il ne s’agit pas de peintures exécutées par le premier venu et par hasard.

Grand groupe de personnages, tous sans doute exécutés par le même peintre. Visiblement, superposition de deux périodes (noire plus récente, ocre plus ancienne). Un lieu visité et revisité donc de générations en générations.
Ah vous reconnaissez votre Melianthus major qui a de la peine à fleurir dans votre jardin ?
C’est dans le Cedarberg qu’est née l’expression ‘avoir la langue bien pendue’. Les linguistes s’interrogent sur le mode de transmission de ces bons mots autochtones, les généticiens sur l’éventuelle langue bifide chez nos ancêtres et les botanistes sur la transmission possible entre les plantes et les humains. Vous pouvez suivre les étonnants travaux sur le sujet sur la page internet de l’université de Steenokkerzeel.
Lachenalia orchioides
Grotte ‘des monstres’ par la présence d’animaux fantastiques comme un dinosaure ou un lézard.

Les interprétations sont hasardeuses mais la religion est certainement un facteur présent, art narratif du quotidien fait de chasse. Il semble toutefois que le peintre soit ‘professionnel’ et pas n’importe qui car dans ce cas les murs auraient été entièrement couverts. Il n’y pas de style défini toutefois qui permettrait d’en établir la chronologie.

Il est difficile, voir dangereux, de donner ici une connotation religieuse, notamment à cause de la présence de personnages difformes en bas à gauche, mais il est évident que le contexte est narratif. En haut à gauche, un ‘zèbre’ avec un autre petit personnage sous la queue comme si l’animal lui donnait naissance…
… Il pourrait s’agir d’après les lignes d’un quagga, une espèce éteinte dont il n’existe qu’une photo d’un spécimen du zoo de Londres dans les années 1870.
Les personnages semblent frapper dans les mains, de petits personnages apparaissent comme des enfants. Certaines couleurs ont disparu, absorbées par la pierre ou essuyées par le temps. Ce qui explique que certaines têtes semblent incomplètes. Ne reste la plupart du temps que l’ocre rouge.
Remarquez la présence d’un animal qui ressemble à un chat au dessus de la grande tache.

Les plantes sont un mélange de fynbos par la présence de petits buissons épineux et de strandveld non loin de points d’eau et de plages de sable..

Les couleurs sont le plus souvent l’ocre rouge, le noir, du blanc d’oeuf et de la sève de plantes comme fixateur. Ici, des animaux incomplets, seule la partie arrière existe encore. Le reste s’est effacé avec le temps. Il est raisonnable de dire que certaines, les plus effacées, pourraient dater de 8.000 avant JC et la majorité d’entre elles vers 2.000 avant JC. D’autres plus tardives montrent des chèvres qui témoignent de la vie pastorale des Khoi Khoi.


La grotte suivante est la plus célèbre. On y voit un archer bandant son arc, mais l’arc est la quasi moitié d’un cercle parfait.

Les deux parties de la corde sont d’égale mesure, les bras forme un rayon précis du cercle comme si le peintre connaissant la géométrie.

Dans cette grotte, une ligne de sept femmes qui dansent. Elles ont un arrière-train particulièrement développé, caractéristiques des San, qui leur permet de stocker facilement de la graisse. Poitrine plantureuse. Certaines portent des bâtons.

Sur la droite de ce groupe des figures noires à la tête en crochet que l’on pense être très ancienne superposent des peintures ocre plus anciennes encore. 

Il faut parfois se coucher sur le dos pour tout voir et s’allonger sous des roches en surplomb, ce qui semble indiquer que le lieu était inhabité et visité occasionnellement. 

Fin de promenade avec un retour au multicolore, dominé par les gazanias. Tout est sauvage. Etonnant de voir des fleurs s’épanouir dans le sable…

 

17 commentaires

  1. Je me suis régalée avec votre article, pour vos magnifiques photos de plantes, mais aussi pour ce reportage sur les peintures rupestres. Je travaille sur les peintures rupestres, celles du Mont Bégo en France, celles du Congo (Kinshasa). Les photos que vous nous montrez m’ouvrent d’autres horizons encore. Merci à vous et bon dimanche.

  2. Merci pour cette petite leçon d’histoire sur nos origines. Toujours confinés, tu nous mets l’eau à la bouche en nous faisant voyager en images. Très bon dimanche.

  3. Après l’Afrique du Sud, nous avons été en Namibie ! Merveilleux pays et nous n’avons pas raté un petit détour pour aller voir les plantes les plus anciennes, environ 1000 à 2000 ans! Les welwitschia mirabilis.Étonnant. Quel souvenir!

  4. Superbe milieu.

    Si le quagga a effectivement disparu à la fin du XIXeme siècle, des universitaires Sud Africains ont recréé l’espèce par croisement récessifs de zèbre peu rayés. “Le Monde” a publié un article à ce sujet en 2016.

  5. Merci pour ce beau reportage, qui me permet de réactualiser mes connaissances. On ne parle plus de peuple Bochiman, mais des San. Je suis toujours émue par les peintures préhistoriques. Pour ceux que cela intéresse il y a de nombreux et merveilleux sites de peintures préhistoriques à visiter en France, notamment la vallée de la Vézère en Périgord, et aussi en Ardèche. Voir absolument Lascaux IV, vraiment bluffant, et Rouffignac un site peu connu mais qui m’a vraiment émue, avec des peintures réalisées sur le toit d’une ancienne rivière souterraine, à plusieurs kilomètres de l’entrée, au dessus d’énormes « nids » d’hibernation d’ours des cavernes, dont on voit encore les traces de griffades. Il y a peu de peintures mais un cheval extraordinaire, dessiné d’une simple ligne sur le plafond, de plusieurs mètres de long, à plusieurs mètres de hauteur. Immense qualité artistique de l’auteur, juché sur échafaudages (?) et simplement éclairé à la torche.
    Bon dimanche à tous

  6. Merci Francis pour ces magnifiques photos. Je vais devoir y retourner car je n’ai vu qu’1 parie de ces paysages. J’attends avec impatience le prochain article
    Bon weekend à vous Deux.
    Vdb

  7. J’aurais bien aimé me balader dans ces paysages superbes parsemés de buissons et fleurs variées.Les peintures sont tout à fait émouvantes. Merci, Francis, de partager tes connaissances illllimitées!

  8. Les photos sont superbes et donnent un excellent rendu des merveilleux paysages envahis des belles floraisons … merci pour les belles peintures rupestres qui ne laissent pas indifférents … quel beau voyage avez vous fais là !!!

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