Les Buddleia menacent notre planète

LES BUDDLEIA MENACENT NOTRE PLANÈTE

Et pour commencer, une petite phrase japonaise qui souligne une peinture ancienne et circonscrit le contenu de cet article :

Même si la lune brille partout dans le monde

ne laissant aucun coin sombre

seulement ceux qui la contemple

apprécient sa sereine lumière.

Je préfère vous prévenir avant que ce ne soit annoncé dans la presse demain matin : j’ai couché avec la reine d’Angleterre.

Je pense que çà devrait passer sans trop de problème au travers du prisme de ces journalistes qui ne vérifient pas leurs sources et publient n’importe quoi. Bon, je sais, l’affaire est tout à fait plausible. Liza vient de rompre avec Stéphane Bern, comme moi elle va chaque année au Chelsea flower Show, et comme moi elle aime le gin, même si j’ai du mal à la suivre sur ce terrain.

Tout aussi plausible, je viens d’apprendre que les buddleias sont dangereux pour la faune et la flore locale et qu’il faut impérativement les arracher de votre jardin. ILS MENACENT NOTRE PLANÈTE. C’est une dame qui m’a alerté hier en m’envoyant un mail, me demandant ce que j’en pensais. Ce n’est pas Mr Spock qui le dit mais via la presse le ‘cercle des naturalistes’. C’est qui ceux-là ? Des éco-botanico-moralisateurs ? Encore ? De quelle université dépendent-ils ? Steenokkerzeel-Naast-de-Kust ? Les universités… vous savez, ces lieux où on mène des recherches scientifiques, où l’on compare les résultats entre confrères, où l’on mesure ses propos par des analyses sérieuses. Car oui voilà, pour les ‘naturalistes’ ‘ce sont soit-disant les scientifiques qui le disent : le Buddleia est un tueur !’ Ben non, je ne trouve aucune étude menée par un chercheur cautionné par une vénérable institution qui démontre ce que l’on veut – encore – nous faire croire. Facile de dénoncer, plus compliqué de réfléchir à un compromis qui satisfasse tout le monde.

p.s. : je n’ai rien contre les flamands. J’ai simplement choisi Steenokkerzeel parce que je trouve ce nom joli… et ‘naast de kust’ le rend aussi fascinant qu’improbable.

Les faits :

Le buddleia est un arbuste invasif.

Alors là, à l’échelle de la famille des buddleias, c’est une grosse connerie, la première. Seul le Buddleia davidii est incriminé et certains de ses cultivars. C’est vrai celui-là se ressème. Pour l’éviter, choisissez des cultivars stériles ou coupez les fleurs fanées avant la dissémination des graines. Et les graines pour les oiseaux alors ? Tant pis pour eux, c’en fera quelques-uns de moins qui ne viendront plus chier sur mon balcon.

Buddleia ‘Longstock Pride’, fleurs pourpre lumineux, parfum très agréable et moins sucré qu’à l’habitude, très florifère

Le Buddleia envahit nos campagnes !

En réalité il s’agit, au même titre que les bouleaux, d’un arbuste colonisateur qui s’installe dans les terrains nus (les terrains vagues, les lieux bouleversés par l’homme) pour préparer le terrain ensuite à d’autres espèces plus grandes qui prendront la relève et le feront disparaître car le Buddleia ne supporte pas l’ombre.

Le Buddleia ne produit pas beaucoup de sucre par rapport aux espèces autochtones et est un leurre à papillons.

Avant de diaboliser ce pauvre arbuste qui pousse au milieu de votre jardin et parmi de nombreuses espèces de plantes qui rempliront à foison le petit ventre de nos butineurs, je voudrais connaître le nombre de milliers d’hectares de zones cultivées en monoculture qui affament les insectes dès leur éphémère floraison passée.

Buddleia alternifolia Argentea, superbe port pleureur, feuillage argenté. Floraison précoce en mai-juin contrairement aux classiques floraisons estivales. Si vous plantez le cultivar B. alternifolia ‘Unique’… il est stérile !

La fleur de Buddleia contient de la caféine. Ben oui, le coca aussi. A moins de se shooter du matin au soir de ces boissons, je n’ai pas encore vu d’ados boutonneux exploser au coin des rues. Dans un jardin, dans un environnement SAIN, l’animal passe d’un arbre à l’autre et picore à gauche à droite à satiété. J’aimerais donc que l’on me démontre, ETUDE SCIENTIFIQUE à l’appui, où est le problème. Et je veux des noms. Cà ne sert donc à rien de commenter cet article par ‘ma cousine la copine du facteur a dit que’. D’ailleurs, si elle est la copine du facteur c’est déjà louche car elle risque d’avoir les moeurs d’une chatte de gouttière.

Buddleia davidii ‘Autumn Beauty’, fleurit de août à octobre ! Il existe des arbustes stériles comme le B. davidii ‘Asian Moon’, et il y en a d’autres…

La feuille de Buddleia est toxique pour les larves d’insectes.

Bon sang, vous les prenez vraiment pour des débiles les hannetons ? Ce n’est pas parce qu’un humain ne sait pas faire la différence entre une ciguë et un framboisier qu’il faut prendre les insectes pour des demeurés. Vous croyez vraiment qu’ils ne savent pas où il faut pondre ?

Buddleia x weyeriana ‘Sungold’, fleurs jaune orangé, très parfumé. Ne se ressème pas.

S’il est bien une espèce qui prolifère et menace le monde, c’est l’être humain qui défigure son environnement pour son petit profit. Nous sommes dans une époque où on diabolise tout, répand des informations sans les vérifier et dogmatise ce que nous devons et ne devons pas faire. Les plantes invasives sont donc devenues dans le monde végétal ce que sont les immigrés chez les humains. Pourtant, tous deux apportent leur pierre à l’édifice depuis l’aube de la préhistoire. Adamo en sait quelque chose (pas de la préhistoire hein !). Cette chasse aux sorcières est troublante et typique de notre société. Sans doute pas plus importante qu’auparavant mais plus largement diffusée par une inquiétante plateforme d’audience qui permet à tout péquenot de se prendre pour Einstein.

Buddleia globosa, fleurs globulaires orangées. Léger parfum. Floraison fin de printemps. Peu connu et pourtant l’une des premières introductions au 18ème siècle. Origine sud-américaine contrairement aux autres asiatiques. Ne se ressème pas chez nous.

Alors sachez-le, l’invasion des buddléias ne me préoccupe pas et je continuerai d’en planter dans mon jardin. Attention toutefois à leur rusticité qui n’est pas toujours au rendez-vous. Vous pourrez trouver de belles alternatives au fil des photos de cet article.

Aussi, je vous conseille si vous êtes de passage en Angleterre d’aller visiter Longstock dans le Hampshire qui possède la collection nationale de buddléias et de clématites viticella.

26 commentaires

  1. C’est vraiment le genre d’article qui me plait , faire taire les commérages en ce qui concerne les invasives et les fausses informations …
    En ce qui concerne le buddleia je n’en ai pas , j’ai perdu mon unique représentant mais je pense vraiment en replanter un en ayant vu tes photos .
    A bientôt

  2. Je dirais que la seule précaution à prendre, est peut-être d’éviter leur plantation si son jardin jouxte des espaces naturels sensibles à son installation (comme en milieu dunaire sur le littoral, par exemple).
    Pour le reste il est à peu près sûr, effectivement, que dans un jardin “normal” il ne présente guère de risque de dissémination.

      • En effet, mon commentaire ne concernait que les B. davidii les plus classiques, fertiles (qui sont quand même encore les plus courants dans le commerce, du moins en France)

        • Oui c’est vrai, en Belgique aussi. D’où l’importance d’expliquer aux gens et offrir des alternatives plutôt que décrier à tous vents. Malheureusement critiquer ne demande aucune connaissance préalable alors que proposer des solutions demande des connaissances que les nouveaux Einstein n’ont pas.

  3. C’est pareil pour les ” MAUVAISES HERBES ” comme on dit dans le langage courant ,
    ….vive la bio diversité………………J’adore vous lire………

  4. Beuh… Après Pierre Dujardin et Didier Willery, voilà que Francis Peeters me lit aussi. J’ai accédé à l’illumination ultime… C’est bon je peux mourir en paix… Enfin pas tout de suite toute de même… Disons dans une soixantaine d’années et n’en parlons plus.

    • Ah tu deviens notre gourou à tous. Tant que je t’ai sous la main, pourrais-tu aussi corriger mon prochain article d’Eden sur Hokkaido, venir désherber le parterre pourpre et prévoir que planter comme arbuste qui pourrait remplacer le vieux Viburnum ?

  5. Je le croyais invasif aussi du fait que j’en rencontre
    partout dans mon quartier urbain : entre les pavés des trottoirs, dans les rigoles
    des chaussées, contre les talus mal entretenus … en fait partout où on le laisse
    tranquillement squatter l’espace … et comme c’est joli, ma foi, pourquoi pas ?
    Mais un grand sujet au jardin, quelle splendeur !: ” Alternifolia”, magnifique !!!
    Le trouve t-on facilement en jardinerie ou pépinière ?

      • Moi qui prend souvent le train, je vois des buddleias tout le long des voies ferrées. C’est joli! Et puis, quand j’étais jeune, j’adorais observer les papillons autour de cet arbuste! J’en ai planté un ds mon jardin mais je l’ai perdu car mon terrain est une pente vers le N-E…trop mal exposé
        J’aime beaucoup la première phrase japonaise de l’article…à méditer;

  6. Un guide nature m’a un jour dit que le buddleia était toxique pour les papillons.
    Un specimen s’est invité dans mon jardin l’an dernier. J’ai hésité à le garder. Finalement, je l’ai déterré de mon potager pour le replanter au fond du jardin sans savoir si je faisais bien.
    Me voilà rassuré !

  7. Encore une fois, merci Francis pour ce bel article tout en nuances. Moi, j’aime les buddléias et ils se plaisent dans mon jardin parmi les autres végétaux. Tout est question d’équilibre et de bon sens.

  8. J’adore lire vos articles.Vous avez 1 humour extraordinaire.
    Ma voisine avait 1 buddleias qui n’a js essaimé et qui a finalement disparu -terre argileuse?
    Vdb

  9. Bingo ! Ah c’est malin, Francis : cet article me rappelle que je n’ai pas planté de Buddléia dans mon jardin tout neuf. Et que ma foi, c’est un arbuste charmant.
    Dans mon jardin d’avant, j’en avais un blanc. Originaire du Japon si ma mémoire est bonne (de ce que m’avait dit le pépiniériste, parce que je n’étais pas allée chercher mon arbuste sur place…)
    Toxique pour les papillons ? Humm moi aussi je doute : j’attends la preuve scientifique, quand je vois le nombre de papillons qui se délectent sur les Buddléias d’habitude.
    Quelles variétés pourraient résister à 400 m d’altitude en Bourgogne (sur un terrain pentu donc drainé) ?

  10. ça fait plaisir de lire enfin une réhabilitation de ce ravissant arbuste, et en plus d’en voir des variétés superbes et inconnues (de moi…)
    je pense que je vais me laisser séduire (pas par la reine d’Angleterre…) et lui trouver une jolie place ce printemps.
    merci Francis !

  11. Le mien est mort cet hiver après 20 ans de bons et loyaux service dans une haie en region parisienne. Il ne s’est jamais ressemé.
    Il était encadré par un choisya (du même age) et un weigela. Puis-je en remettre un autre au même emplacement ou dois-je impérativement le remplacer pr une autre espèce ?

    • 20 ans c’est bien pour un Buddleia. Ce sont des arbustes qui ne vivent pas vieux puisqu’ils sont sensés laisser la place à d’autres espèces après leur ‘conquête’. Paris ? Pourquoi n’essayez-vous pas un buddleia ‘plus noble’ qui ne résiste pas forcément très bien dans le nord ? Par ‘noble’, j’entends des inflorescences moins compactes et plus élégantes. Si vous changez d’espèce, j’oserais le mettre au même endroit après avoir amélioré le sol. Allez voir le site http://www.buddlejacollection.com
      Il s’agit du site de la collection nationale de buddleias en Angleterre. Très bien fait avec photos et qques explications.

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