Ce que vous ne saviez (peut-être) pas au sujet des camélias

CE QUE VOUS NE SAVIEZ (PEUT-ÊTRE) PAS AU SUJET DES CAMÉLIAS

La blague la plus douteuse que je puisse faire (d’autres devraient être disponibles mais je préfère les distiller au risque de perdre mes fans trop rapidement) : 

Au Japon Mr et Mme Kamé ont deux enfants. Quel est leur prénom ? (J’ai honte). 

Leon et Lia. Pour ceux qui n’auraient pas compris…. Au Japon, on cite d’abord le nom de famille (je n’ai plus honte).

Après ce préambule qui aura raison des impatients, passons aux choses sérieuses.

Jusqu’à nos voyages au Japon, Guy et moi n’avions jamais été grands admirateurs de camélias. Ce buisson vert sombre et luisant la majeure partie de l’année (en japonais ‘tsubaki’ pour camélia signifie ‘l’arbre qui brille’) peut sembler de prime abord assez ennuyeux et quelconque. Puis vint leur présence un peu partout au Japon, dans la nature, les jardins, les magasins de fleurs pour s’apercevoir de leur étrange diversité et du caractère exceptionnel des fleurs. Il en existe aujourd’hui plus de 23.000 cultivars à travers le monde (45.000 si on compte les doublons dans les noms) !

On considérait autrefois le camélia comme une plante gélive qui poussait dans les serres et les orangeries de l’aristocratie. Mais le climat méditerranéen plus favorable explique sans doute l’engouement particulier en Italie où, surtout à Milan et à Florence, plusieurs collectionneurs et hybrideurs nous ont laissé de nombreuses variétés comme le fameux et populaire (Contessa) Lavinia Maggi créé dans le jardin de son mari Onofrio Maggi et pour lequel il reçut une distinction de la RHS en 1862.

C. japonica ‘ Lavinia Maggi’ autrefois

Nous avions ce camélia depuis au moins dix ans dans le jardin, perdu avec le temps dans un coin sombre et asséché par de hauts conifères que l’on a arrachés pour aménager un nouveau jardin dont je vous parlerai bientôt. Il est aujourd’hui réhabilité et nous remercie déjà par sa belle floraison particulière.

Notre Lavinia Maggi
Chaque fleur est différente, plus ou moins soulignée de rose.

Impossible de décrire tous les camélias, même en se limitant aux espèces. Alors, je fais le choix de vous montrer l’un d’eux issu d’une famille très peu connue chez nous et qui devrait pourtant retenir toute votre attention.

Les camélias de type Sado (C. japonica rusticana) sont appelés les ‘camélias de neige’ car on les retrouve jusqu’au nord et résistent mieux au froid que les japonica. Leur existence en tant que sous-espèce de japonica ou espèce à part entière fait encore débat, mais visuellement ils ont généralement un port plus étalé et sont souvent couverts de neige épaisse dans leur habitat. Il peut y tomber en moyenne 1,50m de neige chaque hiver ! C’est paradoxalement cette neige qui leur permet de mieux résister car certains disent qu’ils seraient moins résistants en hiver sans cette couche naturellement isolante. Pourtant chez nous, avec cet hiver et une semaine à -9°C, aucun dégât et une profusion de boutons prêts à s’ouvrir (voir notre ‘Benifukurin’ plus bas).

Ce qui est étonnant, c’est l’adaptation morphologique de la fleur à la pollinisation. C. japonica fleurit de décembre à avril au Japon et comme l’insecte est rare à cette période, ce sont les oiseaux qui se chargent du travail. C. rusticana fleurit plus tard d’avril à juin et les insectes sont alors bien plus actifs. Sans entrer dans les détails, ceci explique les différences de forme des pétales (la plaine d’atterrissage du pollinisateur), de la longueur et couleur des étamines/pistils, tout cela plus volumineux et plus chromatique chez japonica pour que l’oiseau puisse d’abord être attiré puis s’accrocher facilement pour boire le nectar !

Saviez-vous que c’est non seulement la couleur d’une fleur mais aussi le fort contraste qui attire l’oiseau ? Ainsi, les étamines sont blanches chez japonica (jaunes chez rusticana) ce qui accentue le contraste rouge-blanc et facilite l’oiseau à trouver rapidement le nectar depuis un support instable pour lui.

Camellia japonica (étamines blanches)
Camellia rusticana (étamines jaunes et pétales plus ramassés)

On trouve de beaux exemples de C. rusticana sur l’île de Sado dans la province de Niigata. C’est d’ailleurs sous ce nom ‘Sado’ qu’on les appelle couramment au Japon. De nombreux cultivars y sont nés spontanément dans les jardins privés, qui résultent du mariage des deux espèces japonica et rusticana, ce qui n’arrive que très rarement dans la nature puisque les deux plantes ne fleurissent pas vraiment en même temps. Dans le contexte artificiel de jardins, des exceptions sont nées, de plus en plus nombreuses par le choix délibéré de marier les deux espèces.

Nous avons ramené du Japon un camélia de type Sado il y a deux ans. Il s’appelle ‘Benifukurin’ (traduit ‘marginé de rouge’). Malgré son très jeune âge, nous sommes surpris de le voir bien fleurir surtout après les -9°C de cet hiver. Pourtant à ma connaissance, les C. rusticana restent largement méconnus chez nous.

Camellia japonica var. rusticana ‘Benifukurin’

C’est d’ailleurs ainsi qu’est apparu le fameux camélia ‘Higo’ aux énormes et multiples étamines. Nous venons tout juste d’acheter ceux-ci chez Guy Van Rysseghem à Lochristi (à côté de Beervelde). Allez donc rapidement chez lui (téléphonez d’abord). Il a une superbe collection de camélias d’hiver et d’automne à des prix très corrects et le choix est très vaste. www.camellia.be

Camelia de type Higo acheté chez Van Rysseghem
Camélia de type Higo à la pépinière
Camélia de type Higo acheté chez Van Rysseghem

Ces caractéristiques ne concernent toutefois que les espèces sauvages. Quand l’homme s’en mêle, qui ne s’intéresse qu’à l’esthétique au détriment des mécanismes d’adaptation, ces raisons d’être s’atténuent ou disparaissent. Ainsi en regardant d’autres camélias dans le jardin, je trouve à foison des cultivars qui s’écartent totalement de cette recherche continue de la nature à transformer pour mieux préserver. Ainsi…

Magnifique C. japonica ‘Black Lace’. Mais où sont passés les organes reproducteurs sensés attirer les pollinisateurs ?
Chez ‘Night Rider’ les étamines sont ton sur ton ! Pas de contraste si cher aux oiseaux.

J’espère que cette analyse un peu fouillée vous a plu. Moi, elle m’a fasciné par le degré sophistiqué d’adaptation des êtres vivants qui confirme, s’il fallait encore le faire, les travaux visionnaires de Darwin. Visionnaire… on ne l’a pas toujours considéré ainsi. Beaucoup avaient mal compris à l’époque sa théorie sur l’origine des espèces. Il n’a jamais dit que l’homme descendait du singe. Il EST un singe. Pas la créature de Dieu ni l’élu de la nature. Seulement un singe qui a perdu sa queue au passage.

Dans le London Sketch de 1874, voici comment Darwin en gorille tend un miroir à un singe pour qu’il s’y regarde et se compare à l’homme.

Mais alors…. tout cela met à mal l’expression ‘s’en aller la queue entre les jambes‘. Les grands singes n’ont pas de queue…

Comment ? Que dis-tu Simone? On compare l’homme au chien dans ce cas ? Ah… je comprends mieux maintenant. Pas de sexisme dans cette expression alors ?

Vivement la fois prochaine que je vous parle du camélia qui se boit…

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